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Fin du bail rural : quand sonne l’heure des comptes

Dernière mise à jour : 29 juin 2020



Les propriétaires ruraux doivent se préparer à une vague de départ à la retraite des agriculteurs et donc à une libération des fermes louées. Car selon les statistiques, plus d’un exploitant sur deux serait en âge de prendre sa retraite d’ici 5 ans. Le bail agricole, lorsqu’il ne sera pas cédé à un descendant du preneur, prendra fin par une résiliation de bail ou un congé délivré par l’une des parties. Ce sera l’occasion pour bailleur et preneur de dresser un bilan de l’état de la ferme.


Le statut du fermage, qui règlemente les relations entre bailleur et fermier, prévoit de façon assez précise comment les améliorations réalisées par le preneur peuvent donner droit à une indemnité en fin de bail. Ce sujet est très largement relayé par la presse agricole, les chambres d’agriculture et les syndicats d’exploitants. Ce dont on parle moins, c’est de la possibilité pour le bailleur de réclamer lui aussi une indemnité de fin de bail, lorsqu’il constate des dégradations ou des moins-values sur la ferme libérée.


Les propriétaires ont tout intérêt à considérer ce sujet avec attention car les montants demandés en fin de bail peuvent être très importants, parfois même supérieurs au cumul des fermages perçus durant la location.


L’indemnité au preneur sortant n’est pas systématique


Les articles L.411-69 et suivants du code rural énoncent les grandes règles de l’indemnisation des améliorations (constructions, améliorations du sol, drainage…) faites sur le fonds loué. La jurisprudence, abondante en la matière, est venue préciser les contours de l’indemnisation et ses subtilités. S’il fallait résumer, l’indemnité est due au fermier sortant lorsque l’amélioration a été régulièrement réalisée – autorisation expresse du bailleur dans la majorité des cas- et qu’elle n’est pas totalement amortie à la fin du bail. Mais ce n’est pas tout. Pour être indemnisable, l’amélioration doit être incorporée au sol et conserver une utilité au départ du preneur. Pour prendre quelques exemples, des drainages installés depuis plus de 25 ans et totalement amortis (selon le barème départemental) n’ont pas être indemnisés par le bailleur au sens de la loi, de même qu’un hangar démontable, ou encore des aménagements réalisés sur une salle de traite alors que le preneur a depuis cessé l’activité laitière. Enfin, un preneur n’est pas en droit de réclamer des indemnités dites de fumures et arrières fumures s’il s’avère que l’amélioration du sol relève du seul entretien normal et régulier, comme cela est attendu de tout exploitant soigneux.


Le bailleur a aussi le droit à être indemnisé


Cette demande est moins connue mais pourtant le code rural énonce sans détour que « s'il apparaît une dégradation du bien loué, le bailleur a droit, à l'expiration du bail, à une indemnité égale au montant du préjudice subi ». Le bailleur doit donc de son côté faire l’inventaire des moins-values laissées par son fermier lors de son départ. Des dégradations dues à un défaut d’entretien locatif, la remise en état du corps de ferme ou l’enlèvement de matériaux ou décharges sauvages sont autant de coûts que le bailleur peut faire supporter à son locataire. Une dégradation du sol en matière de fertilité sera naturellement moins évidente à prouver et nécessitera le recours à des analyses de sols, qui faudra comparer à l’état du sol lors de l’entrée dans les lieux…


L’amiante dans les toitures, une épée de Damoclès


Cette indemnité pour dégradation ne résultera pas nécessairement d’une mauvaise intention ou d’une carence du preneur. Le cas se pose par exemple lorsque le propriétaire hérite de bâtiments anciens dotés de couvertures en fibrociment avec présence d’amiante. Le coût de désamiantage, urgent ou à venir, peut représenter jusqu’à 50 €/m², sans compter l’évacuation en décharge. La jurisprudence a eu l’occasion de considérer la présence d’amiante dans les bâtiments comme une moins-value dont le preneur doit supporter la charge dans la mesure où celui-ci les a implantés sur le fonds loué.


Le temps de la négociation


Le contexte social et les bonnes relations entretenues depuis longtemps entre les familles freinent souvent le bailleur à demander réparation du préjudice subi. A contrario, une majorité de preneurs sollicitent, souvent à juste titre, une indemnité pour les investissements engagés sur la ferme qu’ils laissent au propriétaire.


J’invite les bailleurs à oser engager une discussion plusieurs mois, voire plusieurs années, avant la fin du bail afin d’anticiper globalement la question du départ du locataire. Il est recommandé de formaliser la fin du bail par un écrit, lequel peut prendre la forme d’un protocole où les parties inscrivent noir sur blanc le contenu de leur discussion et des accords trouvés : modalités de départ, solde dû sur les fermages, indemnités de part et d’autre, éventuelle cession des aides PAC, etc. Ce document sera également utile au bailleur pour justifier si besoin auprès du Trésor Public les montants déductibles des revenus fonciers. Précisons enfin que le preneur peut encore réclamer une indemnité dans le délai des 12 mois qui suit la fin du bail. Un protocole définitif permet ainsi d’éviter de mauvaises surprises a posteriori.


Afin d’envisager dans les meilleurs conditions ce sujet des comptes de sortie de ferme, bailleurs et preneurs ont tout intérêt à se rapprocher, établir un état des lieux de sortie plus ou moins exhaustif selon les besoins et la nature des biens loués, et se faire guider par un expert qui saura évaluer les indemnités, si celles-ci sont dues.

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