Depuis quelques années bon nombre de propriétaires désirent exploiter eux-mêmes leurs terres. Le patrimoine rural a de nouveau le vent en poupe. Devenir propriétaire exploitant permet de retrouver la maîtrise de son foncier et d’en tirer un revenu. Cette dynamique est à accueillir favorablement lorsqu’on sait que l’agriculture française doit faire face à une pénurie de jeunes agriculteurs et que la moitié des exploitations sont dirigées par au moins un exploitant de 55 ans ou plus[1].
Seulement, la volonté des propriétaires peut vite s’essouffler face aux réglementations françaises particulièrement contraignantes. Pourtant, des leviers existent.
Pour pouvoir exploiter ses terres, il existe un indispensable : la capacité agricole. Elle s’acquiert par l’obtention d’un diplôme ou par l’expérience professionnelle en justifiant d’une pratique de cinq ans minimum en tant qu’exploitant, salarié, associé exploitant ou aide familiale au cours des quinze dernières années[2].
En présence de terres libres, le seul obstacle à franchir est le respect du contrôle des structures. L’installation sur des biens de famille peut bénéficier du régime de la simple déclaration préalable d’exploitation. Il dispense le propriétaire de se soumettre à l’exhaustive demande d’autorisation d’exploiter et lui évite la mise en concurrence avec d’autres candidats s’il s’agit d’une 1ère installation.
La reprise s’avère plus pointilleuse lorsque les biens sont loués. Bien souvent les terres sont exploitées par bail de 9 ou de 18 ans et ces locations peuvent se renouveler indéfiniment durant de nombreuses années. Commence alors un casse-tête pour reprendre l’utilisation de son foncier.
Pour cela, une approche amiable est à privilégier. En l’occurrence, la résiliation amiable est la solution la plus pragmatique, c’est la voie la plus souple. Elle laisse une grande liberté au propriétaire pour ensuite reprendre son exploitation, tant pour les délais que pour la forme de l’activité (secondaire par exemple).
Malgré de bonnes relations avec le preneur, les solutions amiables ne sont pas toujours réalisables, notamment s’il souhaite le renouvellement de son bail ou la cession à l’un de ses descendants en capacité.
Certains motifs permettent alors de limiter le renouvellement ou la cession du bail en délivrant congé :
lorsque que le preneur a atteint l’âge légal de la retraite[3] (entre 62 ans et 64 ans depuis la réforme). Dans ce cas, il garde la possibilité, à certaines conditions, de céder son bail à l’un de ses descendants ou son conjoint.
pour reprendre l’exploitation de ses biens pour soi-même, son conjoint ou ses enfants[4] (congé reprise) : dans les faits, la mise en œuvre de ce second motif est très engageante et laisse peu de place à une activité secondaire. Il faut entre autres habiter à proximité et se consacrer personnellement à l’exploitation du fonds repris pendant au moins neuf années.
Les congés, par opposition à la résiliation amiable, sont soumis à un strict formalisme : ils doivent être délivrés par voie d’huissier au moins 18 mois avant la date d’expiration du bail[5] et dûment motivés. Rappelons enfin que la faute du preneur peut conduire à la résiliation, au refus de renouvellement du bail ou à la perte du droit de cession.
L’exploitation de son foncier offre généralement une plus forte rentabilité que le fermage. Il est possible d’en faire une activité secondaire en travaillant avec des entreprises de travaux agricoles (sauf dans le cadre du congé reprise !). L’exploitation directe sera le meilleur moyen pour répondre aux enjeux grandissants du monde rural.
Libérer son foncier n’est pas insurmontable, mais cela demande de s’armer de patience et de conseils. Il faut préparer son projet et y intéresser sa famille. La propriété rurale se pense, se vit et surtout s’anticipe.
[1] Données agreste, Recensement agricole 2020. [2] Article R 331-2 du Code rural et de la pêche maritime. [3] Article L 411-64 du Code rural et de la pêche maritime. [4] Article L 411-58 du Code rural et de la pêche maritime. [5] Article L 411-47 du Code rural et de la pêche maritime pour le formalisme du congé.
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