Nos campagnes ne sont pas mortes, loin de là. Il suffit de s’y promener, ou pour certains de s’y intéresser davantage, pour constater qu’elles abondent de richesses naturelles et humaines. Mais il faut bien reconnaître, depuis quelques années, une détérioration terrible de l’image des ruraux aux yeux de l’opinion. L’année 2020, malgré un semblant de reconnaissance de l’agriculture lors du premier confinement, ne nous a pas épargnés.
« Les cultivateurs sont pollueurs, les éleveurs sont sadiques, les chasseurs sont des assassins, les pêcheurs sont cruels, les bouchers sont sanguinaires, les sylviculteurs détruisent les forêts… » Qui n’a jamais entendu ces raccourcis lapidaires dans les médias, sur les réseaux sociaux ou encore lors de discussions privées ? Le cliché est lourd à porter, tant il est devenu monnaie courante et fait le fonds de commerce d’une minorité bruyante et bien en place, soutenue par un réseau politique et financier, unie autour de l’idéologie antispéciste notamment.
Les acteurs ruraux, leurs modes de vie et leurs pratiques ne sont pas intouchables, et le débat est chose saine, mais à entendre le discours de ces « anti », extrémistes d’une certaine écologie, c’est à se demander si certains ont déjà chaussé une paire de bottes pour se rendre sur nos territoires.
L’agri-bashing, c’est facile et c’est sans risque !
Dans le combat pour l’environnement, les médias et politiques se sont emparés de sujets vitrines tels que celui des « pesticides » pour crier au scandale et vouloir tout interdire. C’est effectivement un vrai sujet[1]. Il faut bien avouer que les années 1960 à 1980 ont laissé place, dans un contexte politique, économique et social certes différent, à des pratiques particulièrement impactantes sur l’environnement. Mais matraquer à ce point les paysans d’aujourd’hui est un acte soit malhonnête, soit révélateur d’un manque de connaissance technique. La France est sans doute le pays dont les règles d’homologation des produits phytosanitaires sont actuellement les plus strictes. Aucun agriculteur ne pulvérise des produits phytos pour le plaisir, d’une part parce qu’ils représentent un coût très important, et d’autre part parce que l’achat, le stockage et l’utilisation sont rigoureusement réglementés et contrôlés.
S’ils estiment devoir informer parfaitement les citoyens, les reportages qui dénoncent les pratiques des agriculteurs devraient aussi expliquer les progrès réalisés. Les exploitants d’aujourd’hui mènent une réduction drastique des produits phytosanitaires, ont recours à des moyens de lutte alternatifs et sont en première ligne des aménagements pour la biodiversité. Le discours exclusivement à charge est trompeur et il en découle un véritable mépris pour la profession. En bord de route, les agriculteurs qui utilisent le pulvérisateur ou épandent du fumier et du compost se font régulièrement insulter, y compris ceux qui utilisent des matières 100 % bio sur leurs parcelles ! Tous les agriculteurs que je connais ont été exposés au moins une fois à des hostilités de la sorte.
Le piège du Référendum d’Initiative Partagée (RIP) pour les animaux
Le sujet du bien-être animal est essentiel et doit être traité avec sérieux. Mais comment les Français qui n’ont pas la chance de connaître la campagne peuvent-ils se faire un avis objectif sur les questions traitées en se limitant à visiter le site internet referendumpourlesanimaux.fr ?
La propagande des associations signataires martèle que les animaux devraient avoir les mêmes droits que l’homme et que la main de ce dernier est fatalement destructrice. Alors que les éleveurs font un travail remarquable dans le soin apporté à leurs bêtes, sont publiées d’insoutenables vidéos de quelques exceptions pour contester la pratique même de l’élevage ! La méthode est la même pour la chasse ou encore les parcs animaliers. A grosse dose de marketing et d’émotion, ce sont des centaines de métiers, de pratiques et de loisirs qui devraient être condamnés.
Il y a toujours des progrès à obtenir pour protéger le vivant, et tout n’est pas à jeter dans les propositions de loi soutenues dans ce RIP car le combat pour la défense des animaux est noble, mais ce fourre-tout est dangereux parce qu’avant tout idéologique.
Et sans vouloir manquer de respect aux personnalités VIP qui soutiennent ce RIP et en font le relais dans les médias, certaines manquent cruellement de crédibilité sur ces questions techniques qui nécessitent une approche « terrain ». Ajoutons enfin que par les aberrations qu’ils propagent et les moyens qu’ils y mettent, ces donneurs de leçons qui vivent et travaillent dans les grandes agglomérations risquent de creuser davantage le fossé entre les villes et la campagne.
Répondre par l’union et l’apaisement aux préjugés et images mensongères
La nature aura toujours ses propres lois, mais les règles de vie à la campagne pourraient s’effondrer si ses défenseurs restent silencieux. La communication est habilement employée par les activistes pour diffuser des messages erronés : L214 veut faire croire aux Français que les éleveurs sont des bourreaux ; AVA scande que la vénerie est archaïque et réservée à l’élite ; Boucherie Abolition parle même d’holocauste envers les animaux. Tous ces « coups de com » et leur représentation, souvent exercés dans le plus grand mépris du droit de propriété et des biens matériels, bénéficient de soutiens financiers importants sur lesquels il serait grand temps de faire la lumière.
Face à cette vague de mépris et de haine relayée sur les réseaux sociaux, les ruraux ne doivent pas céder à la tentation de se faire justice eux-mêmes. Ce serait entrer dans le piège tendu par ces extrémistes. Les ruraux doivent se mobiliser pour faire contrepoids et encore mieux communiquer sur leurs pratiques. Et au lieu d’instaurer encore de nouvelles lois, l’Etat devrait s’efforcer de faire appliquer celles existantes, en commençant, par exemple, par sanctionner plus fermement les violentes intrusions et violations de propriétés privées.
A l’aube de cette année 2021, faisons le vœu que la ruralité retrouve la splendeur et l’admiration publique qu’elle mérite. Que l’agriculture et le monde paysan soient davantage respectés par l’opinion et, avec les moyens qui leur seront donnés, qu’ils perdurent dans leur volonté de toujours mieux faire. Que la chasse, la pêche, la gastronomie et les traditions rurales soient davantage encouragées. Que le droit de propriété soit rappelé et défendu pour un plus grand respect des individus. La ruralité dépasse toutes les idéologies, c’est une réalité.
[1] S’il ne faut pas relativiser la nocivité des pesticides, il est toutefois important de ne pas succomber aux idées reçues. Quelques chiffres intéressants : • La France est en 9e position des pays européens consommateurs de produits phytos (en kg/ha) • La norme de potabilité de l’eau en France est de 0,1 µg/litre de pesticides (soit 0,0000001 gramme de matière active par litre d’eau). En comparaison, ce seuil est de 10 µg/litre pour l’arsenic. • Selon une étude réalisée par AGRICAN sur un échantillon de 180 000 agriculteurs, les cancers sont moins fréquents chez les hommes (-7%) et femmes (-5%) exploitants agricoles qu’au sein de la population générale.
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