Dans son éditorial de la dernière édition du Prix des Terres (mars 2019), le président de la FNSAFER s’inquiète ouvertement du vieillissement de la population : « Entre 2000 et 2016, un quart des exploitations agricoles a disparu. Aujourd’hui, un quart des chefs d’exploitation a plus de 60 ans » et propose davantage de régulation pour faire face à ces défis.
Sauf que cette « disparition » des exploitations n’est pas seulement due à un défaut de transmission, mais correspond à une évolution logique des fermes de notre époque, lesquelles s’agrandissent ou se regroupent afin d’assurer leur viabilité économique, comme c’est déjà le cas dans la plupart des pays européens. Par exemple, entre ces mêmes années 2000 et 2016, le nombre de sociétés et groupements agricoles (EARL, SCEA, GAEC…) a augmenté de 112 000 à plus de 170 000.
Mais au-delà de ce constat du président des SAFER, faut-il y percevoir un aveu d’échec de l’institution qui, avec ses outils d’intervention et son monopole, arbitre l’ensemble du marché des cessions d’exploitation depuis plus de 50 ans ?
L’obsession de l’installation des jeunes agriculteurs (moins de 40 ans) dans une « exploitation familiale » et sous un certain seuil de surface théorique, a montré ses limites, voire même ses dégâts lorsqu’on constate la santé financière des exploitations françaises, notamment en élevage.
Parcours à l’installation ou parcours du combattant ?
L’installation en agriculture, par les plus ou moins jeunes, doit être repensée avec pragmatisme et ne doit pas être guidée par l’idéologie. Le contrôle rigoureux des projets d’exploitation via le contrôle des structures, et la totale transparence de l’activité agricole voulue par la Safer, ne peuvent être la solution.
Outre cette réglementation omniprésente en France, se pose la question du coût des reprises. En 2015, le directeur du pôle animal de Coop de France, Jacques Poulet, s’indignait dans Les Échos : « Toutes les installations, dans quelque production que ce soit, requièrent des investissements plus lourds qu’il y a dix ans. On est dans un rapport de 1 à 2 ».
Dans ces conditions, comment reprocher à la jeunesse – même la plus encline à dynamiser nos campagnes – de renoncer à s’installer ? Entre le montant initial de l’investissement, la réglementation agricole décourageante, et les inquiétudes liées à la reprise d’une exploitation dans un climat d’extrême volatilité économique et politique sur les marchés agricoles, la tâche est ardue. Quand ensuite les banques se montrent frileuses devant les montants à engager, elle devient mission impossible.
Un modèle à dépasser
Le syndicalisme agricole majoritaire et celui des JA continuent de défendre et promouvoir l’installation avec détention du capital foncier. Ceux qui ont justement pour mission d’aider les jeunes à s’installer, oublient, ce faisant, les difficultés qu’ils mettent en avant par ailleurs, c’est-à-dire le poids de l’investissement. Ils oublient également que dans la plupart des modèles économiques, rares sont les professionnels qui possèdent les murs de leurs locaux. Il serait par exemple impensable pour un jeune restaurateur reprenant un commerce de devoir verser à la fois la valeur du fonds de commerce et le prix des murs de son établissement.
Promouvoir le partenariat, et vite !
Face à la crise profonde et silencieuse qui assaille le monde agricole, l’une des solutions se trouvera dans la location. Le fermage, s’il est repensé dans un partenariat actif, peut être la clef à de nouvelles installations. La location de terres agricoles diminue d’autant l’investissement au démarrage pour les nouveaux agriculteurs qui n’ont pas à faire l’acquisition du capital foncier, terres et bâtiments, en plus des investissements en matériels, équipements, aides PAC, pas-de-porte (interdits mais pourtant bien présents !), etc.
Il est sans aucun doute plus simple de faire s’accorder deux parties sur un contrat de longue durée permettant un portage privé du foncier et des garanties dans le temps, plutôt que de forcer les banques à prêter ou d’inciter les nouveaux installés à s’endetter trop lourdement.
Alors que l’idée d’une prochaine Loi Foncière fait beaucoup de bruit depuis maintenant plus d’un an, le législateur pourrait songer à une modernisation du bail rural permettant à la profession agricole et aux bailleurs de trouver chacun leur intérêt. En tous les cas, ce n’est pas en perpétuant un modèle fragilisé, inadapté et souvent dépassé, qui divise parfois les acteurs ruraux, que l’on résoudra la crise telle qu’elle s’exprime aujourd’hui dans les campagnes françaises.
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