
La protection des espaces et de la biodiversité se traduit en France par une prolifération de normes et de textes, parfois instables, et se matérialise par un millefeuille de zonages du territoire. Souvent loin de la réalité concrète du terrain, l’administration française ne fait pas confiance aux détenteurs du sol et conduit une politique coercitive, complexe et parfois inefficace.
Il est temps de changer de cap et de proposer des solutions tangibles.
La gestion étatique ne peut être l’unique solution
Le Code de l’environnement est un pavé indigeste. Les directives et circulaires s’accumulent. Le territoire français est devenu un maillage de périmètres affublés d’appellations ou d’acronymes : Parc national, Parc naturel régional, Site d’intérêt communautaire, Zone Natura 2000 avec ses ZSC et ses ZPS, ZNIEFF de type 1 et ZNIEFF de type 2, Réserve naturelle nationale ou régionale, Réserve de biosphère, Réserve biologique, ZICO, Biotope d’espèces protégées, Périmètre de protection, Corridor de biodiversité, Zone humide … De quoi se noyer !
Alors certes, ces classements n’ont pas tous - du moins pour le moment - un caractère contraignant pour les acteurs locaux, mais toujours est-il que cet arsenal juridique et cartographique ne peut qu’effrayer les concitoyens au lieu de les impliquer. Et s’ajoutent à cette liste non exhaustive les préemptions possibles de la Safer, du Conservatoire du Littoral, du Département au motif de la protection de l’environnement.
Les acteurs ruraux, propriétaires fonciers, agriculteurs et utilisateurs de la nature, se sentent constamment épiés, voire menacés.
Un besoin de décroissance administrative
Sauf à être un obsédé de la bureaucratie, comment peut-on penser pouvoir sensibiliser avec efficacité la population aux enjeux écologiques quand on complexifie le sujet à ce point ?
La question environnementale, devenue cruciale, doit tous nous concerner. Une simplification de cette réglementation permettrait aux concitoyens d’adhérer et de contribuer plus efficacement aux mesures nécessaires en faveur de l’environnement. Il ne peut y avoir d’enthousiasme collectif sous la contrainte.
Qui d’autre que celui qui possède, est le gardien du fonds, a une expérience du territoire, en a parfois hérité, a la charge de le transmettre à ses descendants, a les moyens d’agir efficacement et à long terme… est le mieux placé pour mettre en œuvre des pratiques vertueuses ?
Faire confiance aux détenteurs privés
Nombreux sont les « ruraux » qui constatent dans la pratique la théorie de Socrate selon laquelle ce qui appartient à tous risque de faire l’objet de moins de soins.
La tragédie des biens communs s’applique aussi à l’écologie. Pour ne citer qu’un exemple, rappelons-nous en 2008 la condamnation de l’Etat suite à la gestion calamiteuse du territoire au sein du Parc Naturel Régional des Cévennes, où l’éloignement entre le terrain et les décideurs et la mise en place de ZIC (Zones interdites à la chasse) ont conduit à des ravages sur la forêt et l’environnement.
S’il est nécessaire que la loi impose des garde-fous pour protéger les sols et la biodiversité - ce qui se pratique notamment par l’intermédiaire des documents d’urbanisme- il est aussi vrai que les propriétaires sont souvent les premiers soucieux de la gestion durable des territoires. Lorsque j’audite des propriétés et interroge mes clients sur leurs objectifs principaux de valorisation, la question environnementale est désormais prioritaire. Quand ils ne sont pas eux-mêmes exploitants agricoles et totalement maîtres des pratiques culturales, les propriétaires sont toutefois attentifs et de plus en plus nombreux à vouloir participer à la mise en œuvre de pratiques vertueuses.
Des initiatives concrètes à portée des propriétaires
Celles et ceux qui mettent leurs terres à disposition de tiers, par bail rural par exemple, ont désormais de vrais outils à leur disposition. Des clauses environnementales peuvent être introduites dans le bail, imposant au fermier des pratiques respectueuses de l’environnement : non-retournement des prairies, modalités de récolte, implantation de couverts spécifiques, maintien d’infrastructures écologiques telles que haies, mares, bosquets, talus... Ces quelques exemples peuvent être insérés dans le contrat lors de sa conclusion ou en cours de bail avec l’accord du preneur.
Les ORE (Obligations réelles environnementales) permettent également aux propriétaires d’agir concrètement et à long terme sur la dimension écologique des parcelles rurales. Par un contrat libre, formalisé devant notaire, le propriétaire peut grever son fonds d’une sorte de servitude de protection opposable à toute personne publique ou privée. En pratique, le propriétaire signe un contrat avec le gestionnaire qui peut être une collectivité ou une personne morale de droit privé agissant pour la protection de l’environnement.
Il existe donc des outils simples et concrets, lesquels s’ajoutent aux milliers d’initiatives individuelles mises en œuvre dans nos campagnes : réimplantation de haies, agroforesterie, agriculture raisonnée…
La protection de l’environnement n’est pas plus une affaire publique que privée. C’est bien l’affaire de tous, au profit du bien commun.
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